12.5.07

Lady Chatterley, de Pascale Ferran



Je voulais voir ce film depuis un moment. Ma vie de ouf me laissant peu de loisir pour aller au cinéma, il fallut donc attendre la sortie DVD. J'ai lancé le film avec une légère appréhension : on est régulièrement déçu par les films dont on a entendu tant d'éloges. Mais ces lauriers là sont mérités : Lady Chatterley est un film éblouissant, j'allais dire quasiment parfait.

D'abord par le choix du propos. Je ne me souviens plus très bien du livre de DH Lawrence, que j'ai lu il y a longtemps, et que je m'en vais de ce pas relire, pour le plaisir de rester dans l'ambiance du film. Mais après tout, qu'importe la fidélité ou pas à l'ouvrage, l'esprit de l'auteur est respecté, pour qui, selon Malraux, "ce n'est pas par la conscience de ce qu'il a de particulier que l'individu s'atteint, c'est par la conscience de ce qu'il a de plus commun avec tant d'autres : son sexe... Lawrence ne veut être ni heureux ni grand, il veut être."

Lady Chatteley
nous parle de l'amour dans ce qu'il a de plus universel, en ce qu'il est le plus universel des sentiments. Aucun critère ne le détermine, et ce n'est pas le réduire de dire que c'est d'abord une attirance irraisonnée, une alchimie mystérieuse que l'on ne comprend pas soi-même au moment où elle opère, et à laquelle il suffit de se laisser aller, de "lâcher prise", selon une expression si souvent employée de nos jours par les psys et autres sexologues. Constance adopte d'emblée cette posture, et comme le lui dira Parkin, accepte de s'ouvrir totalement, étape par étape. Cette progression est magistralement traitée par Pascale Ferran. J'ai aimé, et tant pis si l'image peut sembler convenue, l'association au déroulement des saisons : l'éveil au printemps, l'exubérance en été, la thésaurisation à l'automne. Constance, comme Parkin, sont en harmonie avec la nature, et la photographie du film nous le fait toucher du doigt.
Mais surtout, c'est l'intimité progressive des personnages, la liberté qu'ils se donnent peu à peu, et que l'image nous offre avec une infinie finesse, mâtinée d'une audace à mon sens peu commune. Tout est montré, et aucune image n'est choquante, ni vulgaire, ni excessive. Tout est à sa place, sincère et authentique. Et, oui, évidemment, d'un érotisme torride, parce que tout un chacun peu s'identifier sans retenue ni culpabilité : tout coule de source (hum, ça m'évoque les passages où Constance boit à la source qui coule dans le parc, tout à fait désaltérants).
Je ne parlerai pas du propos social, même s'il reste plus actuel qu'on pourrait le croire...
La justesse du propos de Ferran tient sans doute pour une bonne part au casting. Pas d'esthétisme excessif, des personnages assez banals pour être universels. Et une caméra qui sait mettre en valeur l'épanouissement progressif de Constance, qui devient de plus en plus splendide, sans pour autant perdre de sa simplicité et de son authenticité. Chapeau aussi à Hippolyte Girardot pour la performance d'acteur.
J'ai beaucoup aimé les dialogues aussi, y compris entre les deux époux Chatterley : là encore, finesse, audace et retenue mêlés, pas d'inutile blabla, et cependant tout est dit...

A voir donc, et à revoir sûrement, une sorte de référence cinématographique : peu de films selon moi ont traité de l'amour avec autant de justesse, et nous donnent tant de pistes à explorer, sans jamais pour autant nous faire la leçon.

Valclair a une opinion plus nuancée, mais il a choisi la même photo que moi pour illustrer son post...

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